« Parce qu’être garçon, garçon d’océan,

c’était bien ce qu’on pouvait rêver de mieux

pour une vie entière :

les garçons deviennent princes et les princes deviennent rois.

Comme dans toutes les histoires qu’on inventait pour lui.

Les grands destins tiennent parfois en quelques lignes.

Mais à la vérité, Livio n’était encore prince

de pas grand-chose.

En regardant de plus près, son chez-lui était même parfaitement miniature :

une chambre de gouttes, un lit d’oreillers liquides,

un terrain de vagues tranquilles.

En fait, un royaume de poche…»

Livio est dans le ventre de sa mère. Il se laisse paisiblement bercer par les douces vagues de sa mer intérieure jusqu’à ce que, à l’approche de sa naissance, lui parviennent les échos des attentes de l’extérieur. L’angoisse de ne pas être à la hauteur des espérances le sert et l’envahit. La peur au ventre, Livio n’a qu’une seule envie : rester au chaud dans son royaume d’eau douce où rien ne le pousse à être plus que ce qu’il est.

• Ce magnifique album donne la parole à un petit être qui n’a rarement, sinon jamais de tribune dans la littérature jeunesse. En effet, il est peu commun de lire des récits dans lesquels on s’attarde à la perception du fœtus. Dans Demain dans une demi-heure, Scotto et Gaudriot adoptent chaleureusement, mais aussi avec grande puissance, le point de vue d’un petit garçon à quelques heures de la naissance.

• Le texte, plein d’une poésie délicate, visite les profondeurs de l’océan maternel tout comme la douceur des vagues, l’opacité de la nuit et les ténèbres de la peur. De riches champs lexicaux autour de l’eau et de la royauté participent à créer une harmonie sublime entre les thèmes visités et l’intrigue. L’articulation de ces deux champs lexicaux est forte.

• Bien que les mots soient doux et que la prose enveloppe le lecteur, l’histoire ne se veut pas rassurante. En effet, les attentes sociales qui viennent aux oreilles du petit avant même qu’il ait vu le jour lui sont suffocantes. Ainsi, l’album amène à réfléchir sur les désirs que l’on nourrit et que l’on projette sur ces petits êtres qui ne demandent qu’à être aimés tels qu’ils sont.

• Les illustrations sont majestueuses et accompagnent à merveille le mouvement du texte. Honorant le thème de l’or bleu, elles alternent entre les vagues, la pluie, les profondeurs de l’océan, l’obscurité, les averses et les tempêtes. Les nombreuses doubles pages donnent naissance à un sentiment de grandeur englobant qui rappelle le cocon dans lequel baigne le foetus. La double page finale émeut. Le lecteur s’y perdra longuement avant de cligner des yeux et de prendre conscience de la beauté de sa dernière lecture.